samedi 14 octobre 2017

ELOÏSE DECAZES & ERIC CHENAUX
LE FRUIT VERT

ali_fib et Les Instants Chavirés présentent

ELOÏSE DECAZES & ERIC CHENAUX


© Saskia Gruyaert

Véritable chanteuse halogène, Eloïse Decazes hante depuis quelques années les ruines de la chanson française, notamment au sein du groupe Arlt. On l’a par ailleurs entendue miniaturiser les Folksongs de Luciano Berio en compagnie de Delphine Dora ou improviser sur cassette des hymnes au Titanic avec Le Ton Mité. Son timbre mystérieux, dont on peine à démêler le chaud du froid, son articulation faussement sereine, et cette façon de perturber les durées en chantant l’ombre des notes plutôt que les notes sont immédiatement reconnaissables.

Quant à Eric Chenaux, guitariste virtuose, il est connu pour avoir cessé un beau jour de prendre son outil au sérieux, préférant y voir un instrument bâtard et s’étonner lui-même d’en sortir tout à la fois des sons d’orgue ou de viole de gambe, de canne à pêche électrique ou de fusil tombé dans l’eau. Le pire, c’est que c’est très beau. À part ça, c’est un théoricien retors et il chante admirablement. Pour preuves, ses albums parus sur le label Constellation, dont le syncrétisme minimal, le groove et la spéculation considérée comme un érotisme, évoquent une espèce d’Arthur Russell piqué de Marvin Gaye. C’est aussi un improvisateur de premier plan, qui défonce tous les clichés du genre, à force d’humour et de paradoxes.

L’amour de ces deux grands irréguliers pour la chanson ancienne les rassembla sur un même disque, enregistré en deux après-midi à Toronto et paru sur le label belge Okraïna. On y entendait principalement de longues complaintes glanées du Moyen Âge au 19 ème siècle, pleines de meurtres et de métamorphoses, étirées d’une voix pâle et hérissées de contrepoints guitaristiques et de mélodica patraque, de dissonances et de drones égorgés à l’archet. On parla pour se rassurer de Nico et John Cale, ou d’Areski-Fontaine, mais en vérité ce drôle d’objet ne ressemblait pas à grand-chose de connu. Cette rencontre de l’inouï et du familier, du très ancien et du très moderne, du très savant et du pas savant du tout frappa quelques têtes et le disque fut rapidement épuisé, devenant l’objet d’un petit culte assez fervent chez les amateurs de beautés pas franchement normées.

La bride
, sorti à l’enseigne lausannoise three:four records (Norberto Lobo, Danny Oxenberg & Bear Galvin, Mike Wexler, etc.) est leur deuxième album et il est peut-être encore plus étonnant.

Qu’est-ce qu’on y trouve ? Dix nouvelles chansons d’autrefois repensées à deux et de fond en comble, arrangées avec autant de folie que de science. On meurt toujours beaucoup dans ces chansons sans refrain, qui sont des rouleaux et des ruisseaux. On ne sait y aimer que furieusement et on s’y perd à peu près partout. On en raconte des vertes et des pas mûres dans une langue aux tournures insensées. Les animaux ont la parole et la forêt flanque la frousse, les enfants font l’amour, et les pères meurent au fil de l’épée du fiston, c’est bien fait. Mais Eloïse Decazes, plus danseuse qu’actrice, plus plasticienne que conteuse, plus musicienne que quoi que ce soit, n’en rajoute pas dans le littéral, ne théâtralise jamais ses récits, préférant souffler les mélodies comme du verre ou en gratter le calcaire et la craie, cherchant l’air dans le déroulé touffu des couplets. Sa voix d’aube et ses agencements curieux ainsi que les multiples parti-pris sonores de Chenaux sont autant de fusées éclairantes qui dans la noirceur des thèmes font un ballet d’ombres et de lumières très lent et très beau. Il faut entendre ces arpèges fermement désaxés sur le nylon que le vibrato et les motifs entrelacés de guitare électrique viennent troubler voire liquéfier par vagues. Il faut entendre les bourdons et les lucioles. C’est rempli de surprises et d’émotions contrastées. Autre chose qui nous sidère, c’est combien ce drôle d’album fait parfois tourner la tête, à force de majesté vocale et de faux violons rampants, de suicides harmoniques ou de soli égarants, combien il subvertit ses formes, mais sans tapage, avec bienveillance et dans le plus grand calme.

La bride n’est pas un disque de folk, précisons-le, ni même d’ailleurs de musique dite traditionnelle. C’est un disque de musique nouvelle rêvé et pensé à partir de très vieilles mélodies, ce dont attestent la production toute en stéréo mouvante, le psychédélisme doux, un dialogue souriant avec une certaine modernité intrépide (Monk, Cage, Derek Bailey ou les disques « Obscure » de Brian Eno en ligne de mire), l’amour des questions et la quête inlassable d’un présent sans cesse recommencé.
– Sing Sing

« Il ne s’agit pas là d’un disque de folklore de nos régions mais de chansons en quelque sorte « rock », des chansons anciennes, sur une musique vivante, mouvante, à la base de guitares que l’alchimiste Chenaux et ses pédales d’effets transmute en vielles à roues, en trompes, en souvenirs du Velvet Underground, en brumes et en fluides épais : inouï. »
– Stéphane Deschamps, Les Inrockuptibles.

Ecouter : https://soundcloud.com/three-four-records/
Regarder : https://youtu.be/jwxOj-d9n0Q
Lire : http://www.three-four.net/releases/TFR043

– – – –
LE FRUIT VERT


© Celia Perrin Sidarous

Le fruit vert est un projet bicéphale mené par Andrea-Jane Cornell et Marie-Douce St-Jacques. Dépeintes comme des « prêtresses de la mélancolie », le duo engendre une musique singulière, à l’orée de la chanson ensommeillée, de la ritournelle psychédélique et de l’hypnose spectrale. En novembre 2013, après deux années d’existence, Le fruit vert publie le EP Passiflore sur le label montréalais Los discos enfantasmes (Jefre Cantu-Ledesma, Ben Vida, Greg Davis, Ramzi).
La cassette réalisée a été alors décrite comme l’une des parutions les plus insolites et captivantes du moment (Decoder Magazine). Le fruit vert a partagé la scène avec des artistes tels que Preterite, Richard Youngs, Circuit des Yeux, Rashad Becker, Holly Herndon, Eric Chenaux et Bill Nace, dans des lieux aussi variés que la Casa del popolo, le Musée d’art contemporain de Montréal et la réserve faunique de la Mauricie (Québec).
En 2015, la chorégraphe Karine Denault (L’Aune) incorpore plusieurs de leurs compositions dans son spectacle solo intitulé L’échappée.
L’oreille avertie décèle dans leur musique l’influence des pionnières Delia Derbyshire et Éliane Radigue.

Paon perdu a été enregistré durant l’été 2015 dans les studios d’OBORO, avec l’ingénieur du son et producteur Radwan Ghazi Moumneh (Jerusalem In My Heart/Hotel 2 Tango). L’album est composé de 8 pièces instrumentales et vocales, en parties écrites et improvisées. Discrètes, Andrea-Jane (voix grave, cendrée) et Marie-Douce (voix claire, aérienne) chantent de manière ultra condensée des mots inspirés des frères Grimm (Faire corps), de Hito Steyerl (Too Much World), de Flannery O’Connor (A Peacock Astray) et de chansons folkloriques exaltées (Vu du large). En concert, le duo privilégie l’orgue électronique, l’accordéon et le synthétiseur analogique, autant que le beat box et les bandes préenregistrées, mais cet album révèle également leur amour pour l’harmonium, le piano, la scie musicale, le banjo et la basse électrique, jouée ici par Eric Gingras (Enfant magique, Avec le soleil sortant de sa bouche).

Andrea-Jane Cornell est une artiste sonore et auteur de créations radiophoniques qui vit actuellement à Louisville, Kentucky. En plus de se produire sur scène en tant qu’improvisatrice, elle a collaboré avec Tim Darcy (AJ Cornell & Tim Darcy, NNA Tapes) et a été membre de FÜNF (2011-2014), un collectif montréalais regroupant Magali Babin, Martine H. Crispo, Anne-Françoise Jacques, Émilie Mouchous et Erin Sexton.

Marie-Douce St-Jacques est une musicienne montréalaise ayant notamment collaboré avec Will Eizlini, Radwan Ghazi Moumneh et Alexandre St-Onge. Elle a cofondé, avec Roger Tellier-Craig (Fly pan am, Le révélateur), le groupe de chansons psychédéliques Pas chic chic (2005-2010). Elle est également artiste plasticienne et éditrice (Les éditions Le laps).

Ecouter : https://soundcloud.com/three-four-records/
Regarder : https://vimeo.com/208034376
Lire : http://www.three-four.net/releases/TFR042

– – – –
Plus d’infos sur ali_fib
https://www.facebook.com/alifibgigs/

– – – –
Fondé à Lausanne en 2008, le label franco-suisse three:four compte aujourd’hui plus de 40 disques à son catalogue (Norberto Lobo, La Tène, Danny Oxenberg, Mike Wexler, Richard Youngs, etc) parmi lesquels se trouvent des collaborations inédites, comme Aaron Moore/Thierry Müller ou David Maranha/Helena Espvall.


http://www.three-four.net/

tarifs
10€ tarif unique
horaires
ouverture des portes 20h30 | concert à 21h00

pas de préventes pour ce concert / tickets uniquement disponibles sur place.